Au coeur des maux du monde: l'inflation
Guerres, famines, pollution, changement climatique, précarité de l’emploi, inégalités économiques extrêmes… Le monde semble prisonnier de crises qui se succèdent sans fin. Si ces fléaux ne datent pas tous d’hier, ils partagent aujourd’hui un point commun souvent ignoré: l’inflation. Ou plus exactement, un système économique qui permet de créer de la monnaie à partir de rien, contrôlé par des institutions centralisées. Quel est le lien entre ce mécanisme monétaire et les grands déséquilibres contemporains?
10 novembre, 2025 par
Au coeur des maux du monde: l'inflation
Tiago Lourenço

Il faut d'abord reconnaître que la qualité de vie s’est considérablement améliorée, notamment depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Aujourd’hui, l’être humain vit mieux et plus longtemps. Nous évoluons dans une époque marquée par une plus grande coopération entre nations, une abondance matérielle sans précédent comparée aux siècles passés, des traitements médicaux plus efficaces et largement accessibles. Grâce à Internet et aux nouvelles technologies, l’accès à l’information et à la connaissance est désormais instantané et presque illimité. Le seul véritable obstacle, désormais, semble être le temps.

Cependant, malgré les nombreuses formes de gouvernance expérimentées au fil de l’histoire et la création de diverses organisations économiques et politiques internationales, nous continuons d’échouer. Pourquoi? Bien sûr, je pourrais invoquer la nature humaine - dire que l’homme est, par essence, un être incorrigible - mais cette explication, aussi tentante soit-elle, nous laisse sans véritable solution. À moins, bien sûr, de croire que Dieu viendra nous sauver.

C’est pourquoi je choisis de désigner l’inflation comme le véritable mécanisme exploité, depuis plusieurs décennies, par une poignée d’acteurs du système financier et politique - un levier silencieux, mais redoutablement efficace, au cœur de nombreux déséquilibres actuels. Corriger cette anomalie paraît bien plus réaliste que de prétendre changer la nature humaine.

Je vais donc expliquer d’où vient l’inflation, comment elle engendre autant de déséquilibres, et surtout montrer comment chacun de nous peut, à son échelle, contribuer à y remédier.

L'origine

Dans notre article L’argent faible et l’argent fort nous avons examiné en profondeur la nature de l'argent, sa mutation en un outil synthétique, les mécanismes qui sous-tendent sa création et pourquoi les monnaies fiat sont structurellement vouées à perdre de la valeur et à mourir. Si ce n’est déjà fait, je vous en recommande vivement la lecture. Ici, c’est sous un autre angle que je vous invite à poursuivre la réflexion.

Le dictionnaire Le Robert définit l’inflation ainsi: "Accroissement excessif des instruments de paiement (billets de banque, capitaux) entraînant une hausse des prix et une dépréciation de la monnaie."

Mais d’où vient cet accroissement excessif?

Voici un exemple: Aux États-Unis, le coût moyen des frais de scolarité a augmenté d'environ 1000% depuis l'adoption du "Higher Education Act" en 1965 et d'environ 180% au cours des 20 dernières années. Ce programme, destiné à renforcer les ressources pédagogiques des collèges et universités, vise aussi à offrir une aide financière aux étudiants de l’enseignement postsecondaire et supérieur. Plus simplement, il garantit l’accès à l’enseignement supérieur grâce à des crédits et subventions d’État.

Mais alors, pourquoi le coût des formations a-t-il explosé? L’accès facilité au crédit est souvent pointé du doigt comme facteur majeur. Déjà en 1987, William J. Bennett, alors secrétaire à l’Éducation, affirmait que "les augmentations récentes de l’aide financière ont encouragé les établissements à hausser sans retenue leurs frais de scolarité, convaincus que les subventions fédérales sur les prêts amortiraient cette hausse".

Aujourd’hui, la dette étudiante aux États-Unis s’élève à un fardeau colossal d'environ 1'700'000'000'000 dollars et devenue un meme international.

C’est un thème récurrent: lorsqu’il s’agit de faciliter l’accès à l’éducation, d’éradiquer la famine ou de faire face à une pandémie, la réponse semble toujours la même - injecter de l’argent. Mais on peut le dire franchement: balancer de l’argent sur un problème ne le résout pas. Et pire encore, lorsque cet argent est créé à partir de rien, il ne fait bien souvent qu’aggraver la situation.

Maintenant, imaginez qu’on vous donne accès à un compte bancaire avec une somme d’argent illimitée. Que feriez-vous? Vous commenceriez sans doute par acheter une belle maison confortable, partir en vacances de rêve, explorer des destinations insolites, vous offrir une voiture haut de gamme - bref, toutes ces choses que la plupart des gens ne feraient que rêver de s’offrir. Naturellement, vous voudriez aussi faire profiter vos proches de ce confort: famille, amis, tout le monde y passerait. Ensuite, vous iriez peut-être plus loin: miser sur les nouvelles technologies, faire progresser la médecine, soutenir l’exploration spatiale...

À mon sens, nous pouvons tous reconnaître que dépenser de l'argent de cette manière constitue une utilisation raisonnable - et même souhaitable - du capital. C’est ainsi que l’argent devrait être utilisé: pour améliorer la qualité de vie de chacun, de ses proches, et, dans un second temps, pour contribuer à élever l’ensemble de l’humanité à un niveau de bien-être similaire.

Mais au bout d’un moment, cet argent finirait par nourrir des désirs de plus en plus futiles, éphémères, voire malsains - qu’il s’agisse d’un luxe excessif ou de fantasmes de pouvoir. Car lorsque l’abondance n’a plus de limites, la décadence suit souvent de près. A ce stade, il n’existe plus vraiment de manière saine ou rationnelle d’allouer un capital devenu illimité.

Est-ce que ce que je viens de décrire vous semble exagéré? Ou au contraire, est-ce que cela vous paraît familier? Car en réalité, c’est exactement le tableau du système financier actuel.

Dans les coulisses de l’économie mondiale, un mécanisme subtil orchestre la circulation de l’argent, du pouvoir et des intérêts. Ce mécanisme implique quatre acteurs principaux: le gouvernement, les banques centrales, les banques commerciales, et, plus discrètement mais tout aussi puissamment, le secteur privé financier.

Tout commence lorsque le gouvernement a besoin de financer ses politiques publiques. Pour ce faire, il émet de la dette sous forme d'obligations souveraines. Ces titres sont achetés par des banques commerciales, des investisseurs institutionnels et des acteurs privés, même à l'échelle mondiale. Lorsqu'on parle d'"acheter de la dette", cela signifie tout simplement prêter de l'argent à l'État. Si vous avez un 3e pilier, par exemple, il est certain que ces obligations font partie du panier.

Mais là où cela devient fascinant, c’est dans la manière dont cette dette est achetée:

Les banques commerciales disposent du privilège de créer de l'argent par le crédit. Lorsqu’elles achètent des obligations d’État, elles le font donc avec de l’argent qu’elles créent elles-mêmes, dans les limites fixées par la régulation bancaire.

Entre alors en scène la banque centrale, à la fois arbitre et soutien du système économique. Pour stabiliser l’économie ou relancer la croissance, elle peut intervenir en rachetant elle-même ces obligations – notamment aux banques commerciales et aux investisseurs institutionnels – dans le cadre d’opérations d’assouplissement quantitatif. Elle peut également abaisser ses taux directeurs afin de rendre le crédit plus accessible. Pour financer ces interventions, elle crée de la monnaie et injecte cette liquidité dans le système financier.

Et pendant que ce ballet se joue, un autre acteur tire discrètement les ficelles: le secteur privé financier, composé de grandes entreprises multinationales, de fonds spéculatifs, de gestionnaires d’actifs, de family offices, de banques d’affaires et d’assureurs géants. Ces entités ne créent pas directement de monnaie, mais elles gèrent des montagnes de capitaux, influencent les marchés, orientent les flux d’investissement et détiennent une part croissante de la dette publique.

Ils peuvent dicter leurs conditions aux États endettés, spéculer sur leurs obligations, ou arbitrer entre devises et actifs, faisant monter ou chuter des économies entières. Par leur puissance, ces acteurs deviennent parfois plus influents que les États eux-mêmes, notamment lorsqu’ils agissent à l’échelle globale, avec une logique purement financière.

Sans oublier que, quand les obligations d’État arrivent à maturité, elles ne sont pas simplement “remboursées”. L’État émet de nouvelles obligations pour payer les anciennes - on appelle cela le refinancement ou roulement de la dette. Ce n’est donc pas un remboursement au sens classique, mais un report perpétuel, qui maintient l’endettement dans le temps.

Et, contrairement à l'idée très répandue, nos impôts ne financent qu’une petit partie des opérations de l’État. Ils servent à équilibrer le budget en surface, mais l’essentiel du financement public, année après année, vient de l’émission de dette, de la création de l'argent à partir de rien, de l'inflation. C'est pourquoi l'inflation est souvent considérée comme un impôt caché, car elle réduit la valeur de notre argent.

Ce système produit un effet inévitable: la dévalorisation progressive de la monnaie. Plus on crée de monnaie sans créer de richesse réelle équivalente, plus chaque unité monétaire perd de son pouvoir d’achat. Cela ne se voit pas toujours immédiatement, mais sur le long terme, l’effet est massif.

Le plus troublant dans tout cela, c’est que nous n’avons aucune alternative réelle. Nous sommes contraints d’utiliser ces monnaies pour être rémunérés, vivre, consommer, payer nos impôts... Même si leur valeur fond comme des glaçons au soleil, lentement mais sûrement, nous sommes enfermés dans un système monétaire que nous ne contrôlons pas.

En 1913, année de la création de la Réserve fédérale, un dollar permettait d’acheter un panier complet de biens de base. En 2025, ce même dollar n’a plus qu’un pouvoir d’achat équivalent à 3 ou 4 cents. Autrement dit, le dollar a perdu plus de 96% de sa valeur en un siècle. Et il s’agit ici du dollar - l’une des monnaies les plus stables au monde. Je ne n’évoque même pas des monnaies d’Amérique latine ou d’Afrique ou d'Asie, qui, elles, subissent des dépréciations bien plus rapides et violentes.

Et cette perte s’accélère. Depuis la crise de 2008, la masse monétaire (M2) a été multipliée par près de 3, notamment à cause des politiques de relance massives. Même si l’inflation reste "officiellement" modérée, le prix des actifs (immobilier, titres financiers, etc.) explose, rendant la monnaie de moins en moins efficace pour accéder à la richesse réelle. Ce n’est pas juste de l’inflation: c’est une érosion structurelle de sa valeur.

Un gouvernement très endetté n’est pas nécessairement un problème, à condition que cette dette ait été utilisée pour améliorer la vie de ses citoyens. Après tout, le crédit est un outil, un levier permettant de financer des progrès et d'améliorer notre quotidien, notre vie. Et c’est bien là le vrai sujet: l’allocation du capital.

A la fin du premier trimestre 2025, la dette publique de la France atteignait 3'345,8 milliards d’euros. Avec un tel niveau d’endettement, on serait en droit de s’attendre à un système de santé publique exemplaire, à des infrastructures  scolaires de haut niveau, à une population heureuse, épanouie, à une vraie paix sociale. Bref, à un pays qui a massivement investi dans son avenir, dans son peuple. Mais nous savons tous que la réalité est tout autre: le système de santé est en crise, l’école publique s’effondre, les inégalités explosent et le malaise social est profond. Où est passé l’argent? À quoi a servi toute cette dette?

La dette bien utilisée peut être un levier de transformation. La dette mal allouée, c’est un poids mort, ou pire, un transfert de richesse vers les intérêts privés.

Revenons à l'idée du “compte bancaire à somme illimitée”. Ces acteurs ont un accès exclusif à des capitaux quasi infinis. Ils fonctionnent comme s’ils disposaient d’un compte sans plafond, qu’ils peuvent activer à volonté, selon leurs intérêts stratégiques ou économiques. Et c’est précisément l'inflation de la masse monétaire qui est à l’origine des dérives que j’ai évoquées plus tôt. Commençons par les guerres.

La guerre

Tout étudiant en histoire sait qu’en temps de guerre ou de conflit, les gouvernements s’endettent massivement pour financer leur effort militaire.

 Avant la Première Guerre mondiale, le système monétaire dominant est celui de l’étalon-or (Gold Standard ). Dans ce cadre, les monnaies sont convertibles en or à un taux fixe, garanti par la banque centrale émettrice. Pour assurer cette convertibilité, les banques centrales doivent détenir des réserves d’or suffisantes. Autrement dit, toute émission de monnaie doit être adossée à une contrepartie en or, ce qui impose une discipline monétaire stricte.

Le Royaume-Uni est le premier à adopter officiellement ce système en 1821, en obligeant la Banque d’Angleterre à échanger les billets libellés en livres contre des pièces d’or à la demande.

La Suisse, de son côté, adopte l’étalon-or en 1880. Dans la loi de 1905 sur la Banque nationale suisse (BNS), le Parlement fixe une exigence de couverture-or des billets à hauteur de 40 %, renforçant ainsi la crédibilité de la monnaie nationale.

Mais tout bascule en 1914. Dès le début de la Première Guerre mondiale, l’étalon-or international s’effondre en quelques jours. Les besoins colossaux en matériel militaire obligent les États belligérants à émettre de la monnaie bien au-delà de ce que leurs réserves d’or peuvent couvrir. La convertibilité en or est suspendue, marquant l’abandon temporaire de l’étalon-or au profit d’une politique monétaire inflationniste.

La Suisse elle aussi suspend la convertibilité de sa monnaie afin de faire face à une crise aiguë des paiements.

En 1922, la conférence internationale de Gênes (Italie) tente de rétablir un système monétaire stable. Elle donne naissance à un nouveau compromis: l’étalon de change-or (Gold Exchange Standard). Dans ce système hybride, les pays ne disposant pas suffisamment d’or peuvent garantir leur monnaie par des devises convertibles en or, principalement la livre sterling et le dollar américain. Ce mécanisme vise à alléger les contraintes du système précédent tout en maintenant une certaine discipline monétaire.

Malgré l’inflation importante engendrée par la guerre et l’endettement public, le Royaume-Uni parvient à revenir à l’étalon-or en 1925, grâce à une politique d’austérité monétaire rigoureuse menée entre 1920 et 1925.

Cependant, durant la Seconde Guerre mondiale, le Royaume-Uni dépense une grande partie de ses réserves d’or pour financer ses achats d’armes et de munitions. Le pays renonce progressivement à l’étalon-or, et l’inflation devient structurelle. Winston Churchill, Premier ministre de 1940 à 1945, reconnaît alors qu’un retour au système d’avant-guerre serait irréalisable. Parallèlement, l’économiste John Maynard Keynes, fervent critique du retour à l’étalon-or dans les années 1920, gagne en influence au sein du gouvernement britannique. Ses idées aboutissent aux accords de Bretton Woods en 1944.

Ces accords instaurent un nouvel ordre monétaire international centré sur le dollar américain. Celui-ci devient la seule monnaie convertible en or, tandis que les autres monnaies sont désormais rattachées au dollar à des taux fixes. Les réserves des banques centrales ne doivent plus nécessairement être constituées d’or, mais peuvent être composées de devises, principalement de dollars. Les États-Unis garantissent la valeur du dollar en or, mais ne sont pas tenus de détenir une couverture totale en or pour chaque dollar émis.

Jusqu’en 1968, seuls les États-Unis et la Suisse maintiennent une couverture-or partielle de leurs billets de banque. Mais le 15 août 1971, le président américain Richard Nixon met un terme définitif à la convertibilité du dollar en or, en réponse à une inflation croissante et à de graves déséquilibres économiques.

La Suisse, quant à elle, abandonne officiellement l’étalon-or avec l’entrée en vigueur de sa nouvelle Constitution le 1er janvier 2000, décision rendue possible par son adhésion au Fonds monétaire international (FMI) en 1992.

Cette dynamique traverse toute l’histoire moderne: pour financer les conflits, les États recourent systématiquement à l’expansion monétaire. En période de guerre, on imprime bien plus que l’on ne produit. Car on ne soutient pas une guerre sans argent. Comme le constatait déjà le stratège athénien Thucydide il y a plus de 2 000 ans : "L’argent est le nerf de la guerre." Cette vérité reste d'une brûlante actualité.

N’importe quel historien vous dira que les Première et Seconde Guerres mondiales furent les plus dévastatrices de tous les temps. Or, ces conflits n’auraient jamais pu durer aussi longtemps, ni atteindre une telle ampleur, sans un usage massif de la planche à billets et une tolérance croissante à l’inflation.

C’est pourquoi on peut légitimement se demander: sans l’inflation, ces guerres auraient-elles été aussi longues, aussi meurtrières, aussi mondialisées? Je ne pense pas. Car au fond, ce que permet ce système -  encore aujourd'hui - c’est d’acheter la guerre à crédit.

L'environnement

Un autre sujet brûlant de nos jours est la dégradation de l’environnement.

Mais quel lien y a-t-il avec l’inflation?

Pour comprendre, rappelons que la monnaie est créée en excès, notamment par les institutions publiques et privées qui bénéficient d’un accès exclusif à une source quasi illimitée d’argent. Cette expansion monétaire excessive entraîne une perte progressive de la valeur de la monnaie.

Alors, que font les gens lorsqu’ils constatent que leur argent se déprécie jour après jour? Ils sont incités à s’en débarrasser au plus vite en achetant des biens et services, car ils savent qu’ils coûteront plus cher demain. 

De plus, l’accès facilité au crédit a profondément modifié notre rapport à la consommation. Il est désormais presque banal d’acheter un nouveau téléphone tous les deux ans, de changer de voiture tous les cinq ans ou d’acquérir des biens et services éphémères qui, au fond, n’apportent rien d’essentiel à notre vie. Et dans une économie où "tout coûtera plus cher demain" et où l’on rembourse ses dettes avec de l'argent qui perd de la valeur chaque jour, cette logique paraît presque rationnelle. Mais elle alimente une spirale de surconsommation dont les conséquences à long terme sont bien réelles.

Produire, transporter et jeter toujours plus d’objets use les ressources naturelles, pollue l’air et l’eau. Derrière chaque smartphone renouvelé trop vite, ce sont des minerais extraits, de l’énergie dépensée, et des déchets électroniques générés. Même chose pour les voitures, les meubles ou les appareils électroménagers.

Le crédit, en déconnectant l’achat du véritable effort financier qu’il représente, encourage une consommation impulsive, peu durable et sans forcément contribuer à notre épanouissement.

L'emploi

 L’utilisation excessive de la planche à billets a également des répercussions profondes sur le marché du travail. Emplois sous-rémunérés, absence de perspectives d’évolution, ou encore postes où rien de véritablement utile n’est produit: tous ces phénomènes sont étroitement liés à l’inflation.

Lorsqu’on évoque la dégradation des conditions de travail, c’est souvent la mondialisation qui est pointée du doigt comme cause principale. L’inflation a joué un rôle clé dès les débuts de ce processus.

Revenons quelques années en arrière, avant 1971. Dès les années 1960, les sorties de capitaux américains s’accélèrent sous l’effet de l’essor des investissements à l’étranger. La masse de dollars en circulation dans le monde augmente alors rapidement, d’autant plus que des banques situées hors des États-Unis commencent à accorder des financements en dollars. Parallèlement, les déficits budgétaires américains sont comblés par la création monétaire.

Cette expansion incontrôlée conduit à un déséquilibre: les parités fixes entre le dollar et les autres devises deviennent intenables, et les réserves d’or de la Réserve fédérale apparaissent insuffisantes pour garantir la convertibilité du dollar. Ces contradictions aboutissent à une décision historique: le 15 août 1971, le président Richard Nixon suspend la convertibilité du dollar en or, mettant ainsi fin aux accords de Bretton Woods.

Depuis ce jour, l’inflation s’est envolée et les taux de change ont été livrés aux seules forces du marché: l’offre et la demande déterminent désormais la valeur des monnaies.

 Ce changement a encouragé un afflux massif de capitaux vers des actifs plus risqués, dans des places financières mondialisées. Cette dynamique a, à son tour, accéléré la mondialisation. Les pays émergents, riches en main-d’œuvre bon marché, ont commencé à exercer une pression concurrentielle sur les salariés des pays développés. L’augmentation globale de l’offre de travail a mécaniquement contribué à la stagnation, voire à la baisse des salaires dans les économies occidentales.

Un autre effet pervers de cette inflation structurelle est la multiplication des bullshit jobs (des jobs à la con), dénoncés par l’anthropologue David Graeber. Lorsqu’on a un accès presque illimité à de l’argent à un coût très faible, l’efficacité dans l’allocation du capital devient secondaire.

Dans une interview publiée dans Le Monde le 11 septembre 2018, Graeber soulignait: "Ce qui peut sembler paradoxal, c’est que dans une économie de marché censée maximiser les profits et l’efficacité par la concurrence, ces emplois peu utiles ne devraient pas exister." Et pourtant, ils sont bel et bien là. Il poursuit: "Les salaires ont décroché par rapport aux profits. Ces derniers sont captés par le secteur financier, qui les redistribue à une minorité, comme au Moyen Âge, via un système complexe de strates et de hiérarchies. En d’autres termes: la finance actuelle contribue peu à la production de biens et services."

 Prenons le cas récent de Twitter.

Fin 2022, Elon Musk rachète l’entreprise pour 44 milliards de dollars, alors qu’elle n’avait pas enregistré de bénéfice annuel depuis 2019 et avait accumulé des pertes pendant huit des dix années précédentes. En 2021, sa perte nette s’élevait à 221,4 millions de dollars.

Une semaine après la finalisation du rachat, Elon Musk annonce un plan de restructuration radical: près de la moitié des 7'500 employés sont licenciés. En janvier 2023, il déclare sur Twitter que les effectifs sont tombés à environ 2'300 personnes. Entre les licenciements et les démissions, l’entreprise a ainsi perdu près de 80% de son personnel. Malgré cette réduction massive, la plateforme continue de fonctionner, presque comme si de rien n’était - avec seulement 20% de ses effectifs initiaux. En février, Musk affirmait non seulement que Twitter avait été sauvé de la faillite mais également que l’entreprise était en bonne voie pour atteindre la rentabilité.

Ce genre de restructuration n’est pas rare, surtout lorsque les banques centrales relèvent leurs taux d’intérêt.

Pour tenter de maîtriser l’inflation, les banques centrales augmentent les taux d’intérêt. Le simple fait d’annoncer leur intention de le faire suffit souvent à faire plonger les marchés financiers, tant l’incertitude est grande quant à l’ampleur et à la durée de ces hausses.

Pourquoi cette réaction? Parce que l’augmentation du coût de l’argent pousse les entreprises à réduire ou suspendre leurs emprunts et à se concentrer sur le remboursement de leurs dettes. Cela freine l’investissement, bloque les embauches et déclenche bien souvent des vagues de licenciements.

La Réserve fédérale des États-Unis, par exemple, a commencé à relever ses taux en mars 2022. Depuis, les marchés financiers ont connu des baisses importantes.

Dans un courriel adressé au journal américain The Hill en septembre 2022, l’économiste Preston Mui expliquait: "Plonger l’économie dans une récession permettra probablement de réduire l’inflation, mais à un coût extrêmement élevé. Ces chômeurs ne manqueront pas seulement un emploi pendant un an; ils subiront probablement une perte durable d’opportunités professionnelles et de revenus pendant une décennie."

Autrement dit, dans certaines circonstances, la hausse du chômage n’est pas simplement un dommage collatéral: c’est un levier indirect pour contenir l'inflation et un objectif assumé.

Les effets délétères de l’inflation sur l’emploi ne s’arrêtent pas au secteur privé. Dans le secteur public également, le recours facile à l’emprunt crée une forme d’irresponsabilité budgétaire. Quand un État peut s’endetter presque sans limite pour financer ses opérations, la productivité de ses agents devient secondaire.

Dans de nombreux pays, les ministères qui parviennent à fonctionner efficacement tout en respectant leur budget voient leur financement réduit. Ce mécanisme pervers crée une incitation à dépenser davantage pour justifier des budgets plus élevés l’année suivante. Le résultat? Une sur-administration, des gaspillages et une culture de l’inefficacité profondément enracinée.

Les inégalités économiques

Un autre problème causé par la création effrénée d'argent est l’aggravation des inégalités économiques. Dans presque tous les pays du monde, ces inégalités ont atteint des niveaux records pendant la pandémie.

"La moitié la plus pauvre de la population mondiale est pratiquement dépourvue de patrimoine, puisqu’elle ne possède que 2 % du total. À l’inverse, les 10 % les plus riches en détiennent 76 %" - Rapport sur les inégalités mondiales (WIR) 2022.

En revanche, la part du patrimoine mondial détenue par les milliardaires a considérablement augmenté durant cette période. Comment cela s’explique-t-il?

En réponse à la pandémie, les banques centrales du monde entier ont abaissé leurs taux d’intérêt à zéro, voire en dessous.

Sans surprise, les entités les plus proches des banques ont été les premières à en bénéficier. Elles ont utilisé cet argent quasi gratuit pour acheter autant d’actifs que possible. C’est pourquoi les prix des actions, de l’immobilier et des cryptomonnaies ont explosé.

Le "Buy, Borrow, Die" est une stratégie financière sophistiquée utilisée par les ultra-riches pour minimiser leur charge fiscale.

Elle consiste à acheter des actifs (actions, immobilier, entreprises privées, etc.) qui prennent de la valeur avec le temps, puis à emprunter de l’argent en utilisant ces actifs comme garantie, au lieu de les vendre - ce qui permet d’éviter de payer l’impôt sur les plus-values. Ces emprunts servent à financer leur train de vie et à acquérir encore plus d'actifs, renforçant ainsi leur patrimoine.

Il est important de noter que les intérêts et les dettes sont souvent déductibles fiscalement, ce qui réduit encore davantage leur revenu et / ou fortune imposable. Ainsi, les plus riches sont souvent aussi ceux qui ont le plus de dettes, mais ce sont des dettes stratégiques: garanties par des actifs, et utilisées comme levier pour optimiser leur situation financière et acquérir encore plus d'actifs.

À leur décès, les actifs sont transmis aux héritiers avec un ajustement de la base fiscale (step-up basis), ce qui efface les gains non réalisés accumulés durant leur vie - et donc évite toute imposition sur ces plus-values.

Cette stratégie, qui repose largement sur l’usage du crédit garanti par des actifs, contribue à alimenter l’inflation monétaire. Résultat: la monnaie se déprécie, tandis que les actifs (immobilier, actions, etc.) continuent d’augmenter en prix - creusant encore davantage l’écart entre les ultra-riches et les classes moyennes, qui, elles, subissent l’inflation sans pouvoir en profiter.

Étant les principaux détenteurs de ces actifs à l’échelle mondiale, les milliardaires sont devenus encore plus riches, tandis que le reste de la population voyait ses espoirs et ses rêves s’éloigner davantage.

"En moyenne, la mobilité ascendante depuis le bas de l’échelle est en baisse, et le nombre de personnes qui restent bloquées dans la moitié inférieure augmente dans les pays en développement. La possibilité de gravir les échelons diminue pour les individus issus de familles pauvres, dans de nombreux pays où le niveau de vie moyen reste très faible par rapport à celui des pays à revenu élevé." - Banque mondiale, communiqué de presse, 09.05.2018.

Cette dynamique n’a pas commencé avec la pandémie. Elle trouve ses racines dans la création du système financier actuel, mis en place à la sortie de la Seconde Guerre mondiale, et s’est considérablement accélérée après l’abandon de l’étalon-or.

Le but ici n’est pas de blâmer ces milliardaires. Ils ont, dans l’ensemble, construit avec succès leurs entreprises et leurs patrimoines et un système capitaliste récompense, normalement, la prise de risque. Il convient également de souligner qu’ils ont payé les impôts auxquels ils étaient légalement tenus. Ils ne font qu’exploiter, à leur avantage, le système financier en place et les lois fiscales existantes.

Certes, on pourrait spéculer sur la manière dont la création monétaire artificielle a permis à un petit groupe de personnes et d’institutions de gagner en influence politique, de manière à orienter la législation selon leurs intérêts, et ainsi garantir la pérennité de leurs empires. Mais un tel travail d’enquête relève du journalisme d’investigation professionnel.

En attendant, l’inflation causée par cette création massive de monnaie détruit le pouvoir d’achat de la population mondiale. Ce phénomène s’est encore aggravé pendant la pandémie, et nous sommes encore loin d’en avoir perçu toutes les conséquences.

Aujourd’hui, l’offre monétaire se dilate ou se contracte au gré de la volonté de quelques bureaucrates, élus ou non, qui agissent souvent de manière opaque. Ce processus engendre une mauvaise allocation des ressources, une destruction de richesse, de l’individu et de l’environnement, au fil du temps.

Solutions

La peur, l’incertitude et le doute sont des sentiments légitimes face à l’avenir. Allons-nous droit dans le mur ou est-il encore possible de corriger la trajectoire?

La solution la plus simple serait de retirer aux banques centrales et aux banques commerciales la capacité de créer de l'argent en quantités illimitées. L'une des manières d’y parvenir serait de revenir à un système monétaire solide où les monnaies sont à nouveau adossées à des actifs comme l’or.

Mais en réalité, il n’est pas absolument nécessaire d’utiliser l’or. On pourrait s’appuyer sur d'autres matières premières ou sur d'autres classes d'actifs ou encore sur des cryptomonnaies aux caractéristiques similaires, comme le Bitcoin. L’essentiel dans un système monétaire solide, c’est que la création monétaire soit adossée à la production réelle de valeur.

Dans un tel système, l’offre de monnaie ne serait pas en expansion constante, ce qui permettrait de préserver le pouvoir d’achat au fil du temps. Il deviendrait même possible de le préserver rien qu'en épargnant - sans devoir investir dans des actifs pour compenser l’érosion monétaire causée par l’inflation, comme c’est le cas aujourd’hui.

Mais qui serait perdant?

Ce système ne conviendrait pas à tout le monde. Ceux dont le patrimoine est adossé à des actifs achetés à crédit seraient sévèrement impactés, car emprunter dans un système monétaire solide coûte plus cher. Finis les taux proches de zéro réservés à ceux ayant des liens étroits avec le secteur bancaire.

 Cela inclut les gouvernements eux-mêmes qui se sont lourdement endettés pour financer leurs politiques.

La classe riche pourrait sans doute se défaire de ses dettes grâce à ses ressources et son influence, mais pour les États, cela serait beaucoup plus complexe. Des défauts de paiement, suivis de changements de régime ou de profondes restructurations institutionnelles, seraient à prévoir.

Quant aux organisations internationales largement soutenues par la création monétaire artificielle, elles pourraient disparaître - et avec elles, leurs projets de gouvernance globale centralisée.

Et la spirale déflationniste?

Un risque souvent évoqué avec un système monétaire solide est celui de la spirale déflationniste: si l’argent prend de la valeur avec le temps, les gens réduisent leurs dépenses, leur consommation, ce qui fait baisser la demande des biens et services, pousse les entreprises à licencier, et provoque une récession.

Mais à ce jour, ce n’est qu’une hypothèse théorique, souvent agitée pour faire peur et dissuader toute remise en question du système actuel. D'ailleurs, même dans un système solide, il y aurait toujours un peu d’inflation naturelle, car des actifs comme l’or ou le Bitcoin continuent d’être produits.

Changer le système: une utopie?

Passer à un système monétaire solide est peut-être la solution la plus simple pour enrayer l’inflation. Mais croire que les gouvernements et institutions renonceraient volontairement à une partie de leur pouvoir et de leur influence pour le bien commun demande une foi quasi religieuse.

Penser que le changement viendra par les urnes est aussi illusoire.

Même dans les démocraties, le pouvoir est fortement centralisé et la participation des citoyens indirecte. La Suisse fait figure d’exception avec ses instruments de démocratie directe. Mais en règle générale, le rôle des citoyens se limite à: choisir parmi des candidats déjà sélectionnés, souvent sponsorisés par des lobbys puissants; voter occasionnellement sur quelques référendums, lorsque cela leur est permis.

Les gouvernements maîtrisent aussi la diffusion de l'information, comme l’ont révélé les Twitter Files et le témoignage de Mark Zuckerberg ("Facebook"), par exemple,  montrant une collusion entre États et plateformes numériques pour censurer les contenus qui leur déplaisent ou qui peuvent mettre en cause leurs activité.

Une fois élus, les représentants légifèrent sans consultation directe et nomment les dirigeants d’institutions clés - comme les banques centrales - sans que les citoyens n’aient leur mot à dire.

Sommes-nous impuissants?

Pas totalement.

Il existe des outils émergents qui peuvent nous redonner une part de liberté et faire pression sur le système en place.

Mahatma Gandhi disait: "D’abord, ils t’ignorent. Puis, ils se moquent de toi. Ensuite, ils te combattent. Et enfin, tu gagnes."

Aujourd’hui, nous fleurtons avec l'étape où on gagne.

De quoi s’agit-il? De la DeFi - la finance décentralisée, propulsée par les cryptomonnaies.

Revenons quelques décennies en arrière.

Internet ouvrait une fenêtre vers le monde, l’information libre et la communication sans frontières. Mais aujourd’hui, cette fenêtre est devenue un outil de surveillance, une intrusion permanente dans notre vie privée.

"L’internet, notre plus grand outil d’émancipation, s’est transformé en le facilitateur de totalitarisme le plus dangereux que nous ayons jamais vu." - Julian Assange

C’est dans cet esprit de reconquête de la vie privée que Bitcoin a vu le jour.

Bitcoin est une forme de monnaie numérique ou digitale. Mais contrairement aux monnaies scripturales et fiduciaires, l’émission, le stockage et les transactions dans le réseau Bitcoin ne sont pas vérifiés par les banques. Dans ce système, la banque centrale et les banques commerciales sont remplacées par des milliers d’ordinateurs répartis à travers le monde. Comment?

Imaginons un livre avec un nombre de pages illimité. Ce livre est public et toutes les personnes du monde entier peuvent le lire et y écrire. Aucune autorisation n’est nécessaire pour le faire, et cela se fait de manière anonyme. Personne ne peut voler ce livre, le contrôler ni modifier ce qui y a été inscrit. Personne ne peut non plus empêcher quiconque d’interagir avec lui.

Ce que je viens de décrire correspond en réalité au registre public de toutes les transactions du système Bitcoin, enregistrées par ordre chronologique. C’est un type particulier de base de données appelé blockchain.

Chaque blockchain est différente et fonctionne avec un ensemble de participants et de règles plus ou moins complexes.

Dans le cas du Bitcoin, le réseau est composé de nœuds. Tout ordinateur ou périphérique qui se connecte à l’interface Bitcoin peut être considéré comme un nœud. Il existe plusieurs types de nœuds: les nœuds complets, les nœuds d’écoute, les nœuds de minage et les clients légers (ou VPS, vérification de paiement simplifiée). Ces nœuds transmettent des informations relatives aux transactions et aux blocs en utilisant le protocole pair-à-pair de Bitcoin.

Le réseau Bitcoin est décentralisé, pair-à-pair, hautement sécurisé (aucune attaque réussie depuis le premier bloc, le 3 janvier 2009), sans permission (aucune autorisation n’est nécessaire pour l’utiliser), anti-censure (personne ne peut refuser le service ni bloquer ou saisir des avoirs), anonyme (aucune vérification d’identité), transparent et entièrement auditable (toutes les transactions, depuis le premier bloc, sont publiques), disponible 24 h/24 et 7 j/7.

Le montant des transferts est illimité, les frais de transaction sont indépendants du montant, tout le monde peut participer à la sécurité du réseau. L’offre maximale est limitée à 21 millions de bitcoins, l’inflation y est infime et en constante diminution. Le consensus repose sur la preuve de travail (Proof of Work) et non sur la confiance, contrairement à la finance traditionnelle.

Certes, tout cela paraît très innovant. Mais, selon certains activistes, journalistes et politiciens, le minage de Bitcoin serait en train de détruire l’environnement tout en servant une monnaie utilisée par des criminels. Nous avons tous déjà croisé des articles ou reportages allant dans ce sens.

Et, parce qu’ils dominent les plateformes de communication, leurs mots font écho et finissent par sembler vrais.

Mettons de côté les articles et commentaires sensationnalistes, et concentrons-nous sur les faits.

Avant tout, rappelons que l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre due à l’activité humaine, qui perturberait le climat, est encore considérée comme une théorie.

Admettons que cette théorie soit une réalité: quel est alors l’impact du minage de Bitcoin sur l’environnement?

Laissons les professionnels répondre:

Le rapport "The Bitcoin Mining Network – Energy and Carbon Impact", publié en janvier 2022 par "CoinShares International Limited", indique que "le réseau de minage Bitcoin utilise environ 0,05 % de l’énergie totale consommée mondialement".

L’auteur ajoute : "Cela nous paraît peu coûteux pour un système monétaire mondial. Sur le plan énergétique global, cela équivaut à une marge d’erreur."

Le rapport conclut: "Dans le grand schéma des choses, les émissions de carbone dues à la production d’électricité alimentant le réseau minier de Bitcoin sont négligeables. Avec seulement 0,08% des émissions mondiales de CO₂, supprimer entièrement le minage – privant ainsi des centaines de millions de personnes de leur seul espoir d’une monnaie juste et accessible – ne représenterait qu’une erreur d’arrondi."

Le "Cambridge Center for Alternative Finance" (CCAF), rattaché à l’université de Cambridge, s’est également penché sur la question.

Dans une étude publiée en septembre 2022, il estime que le minage de Bitcoin représente environ 0,10% des émissions mondiales de gaz à effet de serre - un chiffre très proche du rapport précédent - et que 37,6% de l’énergie utilisée provient de sources renouvelables et durables.

À titre de comparaison, le rapport "Bitcoin: Efficacité énergétique des crypto-paiements", publié en avril 2022 par le cabinet Valuechain, estime que Bitcoin est 56 fois moins énergivore que le système financier traditionnel.

Selon son auteur, Michel Khazzaka : "Nous démontrons que Bitcoin consomme 56 fois moins d’énergie que le système classique, et qu’à l’échelle d’une transaction, une transaction PoW (Proof of Work) est 1 à 5 fois plus efficace sur le plan énergétique."

Concernant l’utilisation du réseau à des fins criminelles, cette critique est très hypocrite.

Le dollar américain reste depuis des décennies la monnaie privilégiée des criminels, qui utilisent les mécanismes de la finance traditionnelle pour atteindre leurs objectifs, malgré les lois contre le blanchiment d’argent.

Un exemple ironique: le PDG de "JPMorgan", Jamie Dimon, critiquait régulièrement Bitcoin en le qualifiant de fraude, alors qu’une filiale de sa propre banque a été condamnée pour avoir violé des lois sur le blanchiment d’argent - autrement dit, pour fraude.

Jamie Dimon n’était pas le seul à dénigrer Bitcoin et les cryptomonnaies en général. Bill Gates, Warren Buffett ou la sénatrice Elizabeth Warren ne sont que quelques personnages qui ont d’abord ignoré, puis se sont moqué et maintenant combattent la finance décentralisée.

De même, des institutions internationales comme le FMI (Fonds monétaire international), la BIS (Banque des règlements internationaux) ou le GAFI (Groupe d’action financière) tentent d’imposer aux gouvernements des réglementations contraires à l’esprit de liberté et de souveraineté des cryptos.

Pourquoi tant d’inquiétude? Est-ce vraiment pour nous protéger des risques liés aux cryptos? Si je devais jouer l’avocat du diable, je dirais: peut-être. Mais il existe aussi d’autres raisons, tout aussi logiques.

Trois raisons possibles :

  • La confiance envers les institutions gouvernementales et financières est en déclin constant depuis 15 ans, alors que l’adoption des cryptomonnaies augmente sans cesse (Government at a Glance, OCDE).

  • Les cryptomonnaies concurrencent directement les CBDC (Central Bank Digital Currencies, monnaies numériques des banques centrales).

Bien qu’elles soient elles aussi numériques, les CBDC n’ont rien en commun avec les cryptomonnaies. Dans plusieurs pays, elles circulent déjà, sont en phase de test ou sur le point d’être déployées (voir cbdctracker.org).

Si l’adoption des cryptomonnaies continue de progresser, les monnaies numériques des banques centrales (CBDC) risquent d’avoir du mal à s’imposer à moins que les autorités ne nous y contraignent. Mais une telle approche ne ferait sans doute qu’accentuer la méfiance à leur égard, sauf si elles tentaient de nous séduire avec, par exemple, l’instauration d’un revenu universel… versé en CBDC.

Très centralisées, les CBDC pourraient permettre aux gouvernements de contrôler combien, où et comment nous dépensons notre argent, à l’image du système de crédit social chinois. Seul l’avenir le dira.

  • Les cryptomonnaies sont, par nature, incontrôlables.

Bien que certaines soient plus décentralisées que d’autres, Bitcoin reste le réseau le plus résilient et indépendant.

Une classe d’actifs impossible à contrôler, influencer ou réguler est un concept inédit et déplaisant pour les acteurs gouvernementaux et financiers.

"Détruire la concurrence, c’est tuer l’intelligence." – Frédéric Bastiat

Je n’ai aucun doute que l’adoption massive de la DeFi sera le tremplin qui nous permettra d’être entendus, de formuler nos attentes envers le système financier et, enfin, de mettre fin à l’inflation disproportionnée qui détruit notre planète et l’humain.

C’est aujourd’hui l’outil le plus efficace dont nous disposons pour exercer une pression positive sur nos dirigeants, afin de rendre la finance plus juste et équitable.

Je vous exhorte, dès aujourd’hui, à vous familiariser avec les cryptomonnaies.

Renseignez-vous davantage sur comment les différentes blockchains opèrent, sur les différents protocoles de consensus, explorez des applications développées sur des différents réseaux, créez un crypto wallet, payez quelque chose à quelqu’un en crypto, faites un swap et fournissez de la liquidité, octroyez un crédit collatéralisé, osez participer à la sécurité d’un réseau via le staking, la délégation ou le minage… et, peut-être un jour, comme Ghandi a dit, nous finirons par gagner.

Au coeur des maux du monde: l'inflation
Tiago Lourenço 10 novembre, 2025
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